Le grand orgue de la Collégiale
1750
Lorsque Karl Joseph Riepp reçoit commande d’un seize pieds de quatre claviers pour la collégiale de Dole, il a déjà construit ou reconstruit une douzaine d’instruments en Bourgogne et Franche-Comté.
1754
Le double buffet, érigé sur la belle tribune Renaissance de Denis Le Rupt, provient de l’atelier Attiret. Un vigoureux orchestre d’anges musiciens le couronne, sculpté comme le reste du décor par Michel Devoges. L’orgue maintenant achevé, riche d’une quarantaine de jeux, est globalement conforme aux usages français ; seuls le type de construction des soufflets et la bombarde en bois de Pédale évoquent une tradition plutôt germanique.
Plus tard, Riepp retournera travailler en Souabe, sa région natale. On peut encore y entendre les deux admirables instruments qui subsistent presque intacts au choeur de l’abbatiale d’Ottobeuren.
1787
François Callinet renforce la puissance de l’instrument : il augmente les capacités de l’alimentation en vent et renouvelle l’ensemble des jeux d’anches, mettant en place le formidable grand jeu que nous connaissons aujourd’hui.
1830, 1854
Deux campagnes d’agrandissement sont encore menées par les frères Stiehr, alsaciens. Les grandes draperies latérales sont installées à cette époque pour masquer les encombrants tuyaux de Pédale, maintenant repoussés hors du buffet. La nouvelle tuyauterie des troisième et quatrième claviers (Récit et Écho) trouve place en arrière, au fond de la tribune.
À l’issue des travaux, l’orgue s’est enrichi d’une vingtaine de registres, dont de nombreux jeux « modernes » (en réalité déjà traditionnels outre-Rhin) : gambes, salicional, flûte conique, etc. Mais la technique des Stiehr reste fondamentalement classique, et l’orgue Riepp-Callinet, bien que largement recomposé, conserve l’essentiel de son matériel et de son harmonie.
1958…
Sur cet instrument riche de quelque 3500 tuyaux et quasi inchangé depuis un siècle, Philippe Hartmann, entouré de Jacques Béraza et Michel Chapuis, entreprend des travaux de sauvegarde, ainsi qu’un reclassement partiel de la tuyauterie visant à rapprocher les deux premiers claviers (Positif et Grand-Orgue) de leur état sonore de 1787.
1992
Enfin, six soufflets cunéiformes neufs ajoutés par Jean Deloye viennent compléter la soufflerie installée par Mutin, en 1920.
Avec ses strates d’histoire, malgré la fatigue, l’usure et la poussière, l’orgue de Dole demeure un précieux témoin de l’art classique de la facture d’orgues en France. Il y a là un miracle sonore fragile et unique, magnifié par la très belle acoustique de la collégiale. Un miracle qui continue de bouleverser ceux qui prennent le temps de s’y apprivoiser.
Sources :
– « Karl Joseph Riepp et l’orgue de Dole », thèse de Pierre-Marie Guéritey, Bron, imp. Ferréol 1985.
– « L’orgue de Dole », ouvrage collectif, Canevas éditeur, 1995 (Born 32370 Espas).